Guy Moquet ou quand la communication réécrit l’histoire

Qui n’a pas entendu parler de la lettre de Guy Moquet ? Vous savez cette lettre écrite par Guy Moquet à ses parents. Elle est devenue en quelque temps, le nouvel hymne de la résistance. Derrière une simple idée de communication politique : se réapproprier un héritage historique, se cache en fait consciemment ou non une réécriture de l’histoire.

En histoire contemporaine, on aborde souvent la notion de « mémoire collective », c’est-à-dire ses images, représentations et symboles qu’un groupe construit au fur et à mesure des années pour se souvenir d’une époque, d’une personne, etc. Jusqu’à présent, pour nous français, la résistance était symbolisée par Jean Moulin. Son statut de fonctionnaire, son engagement dans la résistance dès 1940 et enfin sa mort face à l’occupant, ont fait de lui un digne représentant de la résistance.

A la fin des années 1990, suite au film de Claude Berry, une démarche plus ou moins similaire a commencé autour de Lucie Aubrac. Si celle-ci n’est pas encore devenue pour nos générations le symbole de la résistance dans sa globalité, elle incarne en tout cas l’engagement des femmes dans la lutte pendant la seconde guerre. Et il y a des chances que les prochaines générations la considèrent comme une icône de la résistance, au même titre que Jean Moulin. Toutefois, ces deux personnages se sont construits dans le temps sans réelle stratégie de communication.

Alors que la lettre de Guy Moquet n’est qu’un élément d’un plan de communication politique bien structuré : se réapproprier un héritage historique. Au lieu d’écrire un « Entre ici Jean Moulin », les conseillers de Nicolas Sarkozy ont imaginé un « Viens à nos côtés Guy Moquet ». Forts de leur succès, ils ont imaginé un plan de communication autour de cette lettre. Certes, nous n’avons pas encore les produits dérivés du genre, la lettre en DVD avec musique de Didier Barbelivien, mais on n’en est pas loin. Après la lecture par Nicolas Sarkozy, on a eu le droit à la rumeur d’une lecture à l’équipe de France de rugby, puis la journée de lecture obligatoire dans les établissements et le téléfilm. Il ne reste plus que le buste et la journée commémorative pour que la simple opération de communication balaye nos repères dans la mémoire collective.

Et c’est en çà que je trouve cette opération dérangeante. Comment finalement une histoire collective se retrouve modifiée pour une simple opération de communication. Cette situation me fait penser au film avec Dustin Hoffman et Robert De Niro, « des hommes d’influence » où ils créent de toute pièce un conflit fictif pour faire oublier une rumeur d’adultère au sein du couple présidentiel. Alors, non je ne pense pas que Guy Moquet serve à Nicolas Sarkozy pour faire oublier son divorce. Non, je ne pense pas qu’ils veulent renverser Jean Moulin de son rôle de symbole. C’est juste que cette opération de communication a certainement beaucoup plus d’impact sur la mémoire collective et l’identité du pays qu’on ne l’image. Et notre responsabilité de communicant doit aussi avoir des limites pour ne pas modifier une lecture de l’histoire comme on change une promotion.

Vos réactions

  1. ---

    Effectivement, je pense qu’un fait historique comme celui ci n’aurait jamais du etre utiliser (et détourner) à des fins politico economico profito!

    Je regrette juste que le grand public ai trouvé ça “beau et émouvant” sans se rendre compte de la ré-appropriation qui en été faite… on a ce qu’on mérite : la télé réalité politque qui va jusqu’a puiser dans l’histoire son éthique de demain… du vent.

Laissez un commentaire