Et si on relisait Roland Barthes pour décrypter le web

En lisant ce matin un billet de InternetActu sur l’avenir de Youtube, il m’est revenu un vieux souvenir de mes cours de sémiologie, sur la relation texte-image, pensée par Roland Barthes.
En effet, plusieurs spécialistes prédisent que Youtube remplacera Google dans les années à venir. Ils vont même plus loin puisqu’ils parlent déjà d’une suprématie de la vidéo par rapport au contenu texte sur le web.
Or en 1964, Roland Barthes démontrait dans un célèbre article que l’image ne remplaçait pas le texte, car c’est ce dernier qui donne du sens et qui décrit une image. Et aujourd’hui encore, je pense que ses écrits doivent nous servir à minimiser ce type d’annonce.
En effet, pour que la vidéo remplace réellement le texte, il faut imaginer un monde où tout serait vidéo, c’est-à-dire que la simple requête dans un moteur ne se ferait pas avec des mots, mais avec des images animées. Il faut imaginer un monde où l’impression papier n’existe plus. Il faut penser le monde sans livre, sans titre, sans résumé, sans descriptif, sans tags, etc. En d’autres mots un monde imaginaire, non ?

Pour en savoir plus sur la relation texte-image, voir le site du GRIT

Vos réactions

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    “Il faut penser le monde sans livre, sans titre, sans résumé, sans descriptif, sans tags, etc. En d’autres mots un monde imaginaire, non ?”

    Mieux encore : un monde qui brillerait par son intolérance et son dédain des personnes ayant des handicaps visuels et/ou sonores… Merci pour l’innovation !!! Alors que le monde du web attend depuis plus d’un an l’application du décrêt d’application de la loi d’égalité des chances pour avoir ENFIN un web administratif accessibles aux publics présentant un handicap… WTF ?!?

  2. ---

    Intéressant billet.
    Petite question: image sans paroles? sans mots? effectivement, ça semble ne pas nous suffire.
    Mais avec la langue comme support, pourquoi ne pas donner plus de plaisir à nos oreilles!

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    L’audio est en effet un peu oublié dans tout çà et pourrait pour certains handicaps faciliter la visite d’un site. Il y a des concepts et des outils à penser. Après l’euphorie, on aura une période plus sereine pour penser et concevoir des outils en fonction des utilisateurs.

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    Ça me rappelle les gens qui disaient que les livres et les quotidiens allaient disparaître avec l’apparition du Web. Chaque médium a plutôt trouvé sa niche, leur utilisation évolue et tout se mélange, se transforme.

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    Votre article m’a particulièrement intéressé, il répond aussi à la question “Barthes a-t-il encore quelque chose à nous dire ? « Barthes, résolument moderne », c’est le titre d’une communication récente de Julia Kristeva, mais venant d’une de ses proches avec Sollers, on n’attend pas un discours accablant. Plus révélatrice de cette modernité est sans doute la reprise par Fabrice Luchini, en cette fin 2008, de son spectacle « Le point de Robert » dont une partie est inspirée des « Fragments d’un discours amoureux » de Barthes, avec un programme de Tournée pour 2009 ! Plus ici :
    http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=775

    Et sur le thème, technologie et textes, on peut aussi lire cet article sur Google Books :
    http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=771

    Au moment où rédige ce commentaire, Alain Minc est invité sur France Inter. Il parle de la Télévision, du nouveau contexte français, le nom de Google et YouTube se trouve évoqué succinctement : “le rapport des forces, on le verra dans quelques années a-t-il répondu, prudent”.

    On peut quand même noter que la force de Google est que de fait, avec les liens sponsorisés, Google est devenu le premier annonceur mondial, en terme de budgets publicitaires.

    Et, de fait aussi, YouTube est en train de devenir un annonceur mondial de premier plan. C’est là que le rapport des forces va se jouer, aurait pu ajouter Alain Minc.

    On va nécessairement vers une utilisation concurrente – dans tous les sens du terme – entre les média papier, et numériques (vidéo, mais aussi image et textes). La vidéo n’a pas supprimé l’image photographique, le livre numérique ne supprimera pas plus le livre papier, mais il y aura nécessairement partage du gâteau. Et qui dit partager… dit couper. Ce qui veut dire moins, pour les médias traditionnels en terme de diffusion et de revenus, le nerf de la guerre. Et la guerre est aveugle et injuste. Elle est pensée en terme de domination et conquêtes.

  6. ---

    GOOGLE / YOUTUBE

    On peut ajouter que Google s’est complètement “bordé” en faisant l’acquisition de YouTube profitant de ses liquidités en trésorerie. L’argent, le nerf de la guerre, toujours.

    Erratum : Dans mon précédent billet, il fallait lire “Le point sur Robert” pour le titre du spectacle de Fabrice Luchini.

    Beau Noël à vous,

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    Loin de moi de penser qu’un média remplace l’autre et entièrement d’accord avec Barthes pour ma part. Le texte donne toute sa valeur à l’image, comme le code et les métadonnées donnent toutes leurs valeurs aux vidéos.
    Il y a pourtant une concurrence entre les médias en terme d’économie de l’attention : notre temps de cerveau disponible n’est pas infiniment extensible. Pour l’instant, ils ont chacun trouvé leur espace et les grignotages de l’un sur l’autre sont insidieux, progressifs et prennent du temps. Mais il est indéniable que celui de l’image et de la vidéo progresse. C’est d’ailleurs déjà le cas depuis des dizaines d’années et cela risque de ne pas s’arrêter en chemin, le web n’étant qu’un moyen supplémentaire de diffusion des procédés vidéos.

    Attention enfin, il y a aussi des moments où les économies ne permettent plus de supporter certains modèles anciens. On commence à le voir pour la presse, où il est probable que l’on voit dans les années à venir des titres papier disparaitre car leur économie ne sera plus suffisamment rentable.

  8. ---

    C’est précisément ce que vous êtes en train de fabriquer, avec vos ambitions du “toujours plus virtuel”. Il ne faudra pas se plaindre si ensuite on assiste à une hausse de déshumanisation des sociétés…

  9. ---

    Un monde imaginaire … peut-être que la formule n’est pas si irréaliste que ça. Voyons plus loin que l’idée un peu simple d’un monde tout en vidéo : on peut imaginer un media sans mots sans forcément qu’il soit dénué de pertinence, mais toutefois permettant d’accorder aussi vite l’imaginaire ou le mental que sa production réelle. Le media que sont les mots deviendrait alors obsolète (du moins dans ce système là, ça ne signifie pas que ça n’a pas de valeurs par ailleurs).
    L’idéographie marche comme ça : un hiéroglyphe égyptien est bien un sens donné, qu’on appelle certes langage, mais graphique. En l’occurrence : idéographique. Quand je lis cette intuition sur le futur du web, je me dis qu’après tout on peut très bien envisager une idéographie dynamique (comme celle que décrit Pierre Levy dans les années 90 déjà) : je pense “tel mots-clef”, j’ai des résultats instantanés sous forme graphique.

    Dans un tel processus, il ne faudrait pas croire que les images remplacent le mots, non, mais plutôt que les processus de relation sémantique actuel (la Machine/Le monde/Moi) vont dériver d’un modèle textuel vers une modélisation graphique. Mais ça cantonne à des processus assez simple (une recherche) : les blogueurs peuvent éteindre leurs alarmes, c’est pas demain que le contenu de leurs billets auront à se modéliser ainsi..!

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