C’est décidé, j’arrête de surveiller mes concurrents …

Ce qui en d’autres mots, revient à penser que la veille concurrentielle n’est pas toujours profitable en marketing. Cela risque en effet d’en surprendre plus un, mais dans les faits, je me rends compte quotidiennement que la veille concurrentielle freine plus qu’elle ne développe la créativité.

Dans beaucoup de situations, les opérations marketing sont décidées en réaction à des actions menées par des concurrents. Regardez l’historique de vos dernières créations. Dans combien de cas, vos clients, vos commerciaux ou vos chefs de produits vous ont présenté des briefs avec des supports de leurs concurrents ? Dans combien de cas, vous avez commencé votre travail par une pige de la concurrence et vous avez repris toutes les bonnes idées ? Dans combien de cas vous avez eu l’impression d’être en retard parce qu’un de vos concurrents avaient sorti un nouveau produit avant vous ?

Seulement, tous ces comportements bloquent la créativité, car ils tendent plus à copier qu’à innover. Pour exister, une marque a besoin d’un positionnement clair et spécifique pour justement se démarquer des autres. Si au final, votre travail consiste à faire comme les autres, vous ne pourrez jamais vous différencier. De plus, qu’est-ce qui vous dit que le projet de votre concurrent est rentable, viable et attendu ? Rien ? Vous risquez donc dans certains cas, de le copier sans être sûr que cela vous assure une hausse de votre chiffre d’affaires. Vous ferez donc la même erreur que lui.

Je pense même que certains acteurs sont tellement obnubilés par la veille concurrentielle, qu’ils n’osent plus créer parce qu’ils ont peur de prendre une mauvaise décision. En effet, on devient vite frileux quand on passe son temps à s’évaluer par rapport aux autres. Et au final, on définit une idée comme bonne, uniquement quand les autres l’ont aussi, et non pas quand vous êtes le seul à l’avoir.

Il me semble donc beaucoup plus profitable pour une marque de concentrer son énergie sur la définition d’une stratégie propre et sur sa mise en place, que de surveiller et comparer ce que font les autres. Si vous oubliez vos concurrents, vous irez chercher votre inspiration dans d’autres secteurs d’activités, et vous serez au final beaucoup plus innovants. De plus, en vous concentrant sur vos actions, vous aurez plus de temps pour évaluer vos propres outils et opérations, ce qui forcément vous permettra de les améliorer saison après saison, pour être de plus en plus forts. Vous donnerez ainsi une cohérence à votre stratégie qui apportera un contenu, une histoire et donc un positionnement à votre marque. Vous serez finalement gagnant sur tous les tableaux.

Dans son ouvrage « les marketeurs sont tous des menteurs », Seth Godin décrit parfaitement ce phénomène, en expliquant que dans de nombreuses sociétés, on pense d’abord aux caractéristiques du produit par rapport aux concurrents, alors qu’il faudrait se concentrer sur l’histoire par laquelle on vend le produit. En effet, ce n’est pas parce qu’un concurrent propose par exemple une boisson en bouteille de 2 litres que vous devez automatiquement le suivre. L’histoire de votre marque est peut-être en opposition avec les valeurs véhiculées par ce conditionnement (économie, conditionnement pour familles nombreuses, etc …).

Si vous oubliez le produit, pour l’histoire, vous oublierez également les concurrents, et votre marque aura un positionnement plus distinct.

Cet exercice intellectuel demande un peu de discipline au départ, et peut en dérouter plus d’un, mais au final, vous vous apercevrez que vous êtes beaucoup plus créatif quand votre attention se porte sur tout, sauf vos concurrents. A méditer !

Vos réactions

  1. ---

    Même s’il est vrai qu’observer la concurrence est anti-innovant en général (on a tendance à suivre la tendance au lieu de la créer), je pense qu’il y a quand même certaines étapes où il faut savoir où en est la concurrence.

    Pour la mise en place du positionnement par exemple, je pense que s’il faut se concentrer sur le client et l’entreprise pendant la création du positionnement, il faut ensuite vérifier si ce positionnement est pertinent quand on le compare à celui de la concurrence. Une boîte d’équipements de sport en création qui se positionnerait comme Nike n’a aucune chance de s’en sortir.

    Et puis jeter un œil sur la concurrence n’est pas toujours contre-créatif :) : http://www.leblogauto.com/2006/08/audibmwsubaru_p.html

  2. ---

    Bonjour Arnaud. Pour une fois, je ne suis pas totalement d’accord avec vous, et c’est dire :) Quoique. Je m’explique.

    Je suis d’accord quand vous dites que « plus profitable pour une marque de concentrer son énergie sur la définition d’une stratégie propre ». Effectivement, une stratégie, en se sens ce qui l’oppose à la tactique, doit se définir en fonction de la prospective sentie du marché (et notamment des consommateurs) et de l’ADN de la marque, ses fondations, ses valeurs profondes. Maintenant, qui dit stratégie dit positionnement, et une position est toujours relative… ce qui implique de savoir au moins où se situent les concurrents…

    Maintenant au niveau tactique, c’est-à-dire la mise en actions d’une stratégie, surveiller les coups tactiques des concurrents est primordial car il faut être naïf pour croire que le consommateur ne vous compare pas. Le sens et la portée de vos actions vont entrer en résonnance avec les actions des concurrents et c’est cette comparaison qui va donner (ou non) du sens et de la saillance à vos prises de paroles (c’est un principe fondamental de perception). Et si un concurrent frappe fort sur une valeur donnée ou sur un point en particulier, il faut réussir à frapper plus fort, ce qui ne veut pas dire – et là je vous rejoins – faire la même chose en mieux et avec plus d’argent…

    Une veille concurrentielle ne doit pas se résumer à regarder ce que fait l’autre. C’est un travail de spécialiste qui, au-delà des faits, va devoir extrapoler les portées possibles de l’action en question, comprendre le rôle que cette action peut avoir dans la stratégie des concurrents, et digérer ces informations avant de les transformer en brief qui ne devra pas être un brief « me too » mais un brief de haute tactique destiné à remplir des objectifs.

    Là où je vous rejoins à nouveau, c’est qu’il ne faut pas montrer aux créatifs (que ce soit des R&D ou des créa agence) les piges telles quelles : là effectivement, cette pige les polluera. En revanche, s’ils ont un brief qui leur explique des mouvements, les nourrit sur ce qui est en train de se jouer et leur demander de réagir par rapport à des faits tactiques, vous avez beaucoup plus de chance d’avoir des innovations pertinentes et exploitables.

    Pour résumer ce pavé : la veille est indispensable mais c’est un travail d’expert à part entière qui est le rôle dans les agences du planneur stratégique, chez l’annonceur d’une cellule veille qui a bien compris quel était son rôle ou d’intervenants extérieurs rompus à l’analyse dynamique des marchés par des approches qualitatives.

  3. ---

    Jean Sébastien, je vous rejoins à 100%. Je pense juste que votre pratique et votre discours sont, comme vous le dîtes, ceux de professionnels. Seulement, au quotidien, nous sommes plus souvent au contact d’amateurs que de professionnels ;-).
    Par ce billet, je veux simplement déclencher une réaction. Amener mes lecteurs à penser différemment les méthodes de travail qu’ils utilisent machinalement pour trouver de nouvelles de progression. Il faut en effet avoir une vue d’ensemble de son marché, connaître ses forces, ses faiblesses, les tendances, les mouvements. Mais après, il faut se concentrer sur l’histoire que l’on veut créer et oublier ses concurrents.
    Je croise de nombreux marketeurs qui sont incapables d’expliquer pourquoi leur produit ne marche pas, leur croissance stagne, etc. Seulement, quand vous regardez le détail, vous vous apercevez qu’ils sautent depuis des mois d’opérations en opérations en réaction au marché, sans suivre une vraie ligne directrice. Et sur le long terme, qu’est-ce qui paye ?

  4. ---

    D’accord avec toi Jean. Il faut pouvoir se positionner mais il ne faut pas s’enfermer dans une peur de faire différemment. J’ai entendu des tonnes de personnes me dire : “non, je ne développe pas plus de services sur internet parce que mes clients ne sont pas de gros utilisateurs et puis parce que mes concurrents ne vont pas dans ce sens.” Traduction : j’attends que le marché change pour bouger. Or, il ne bougera pas si vous n’innovez pas. Si vous prenez votre propre orientation, vous amènerez le marché à vous suivre et vos concurrents seront out.

  5. ---

    Bonjour Aranud,

    Je suis d’accord avec vous …je le constate tous les jours dans mon métier : l’événementiel.

    Réaliser et concevoir un événement doit être du sur-mesure pour une marque par rapport à une problématique précise et une cible définie. Or je constate souvent de fortes similitudes entre des événements d’entreprises.

    Et ceux pour deux raisons : un manque de recherche créative d’une part. Une partie des agences d’événementiel proposent à différents clients le même dispositif avec quelques adapatations ou vont puiser chez la concurrence les événements “qui ont marché”. Comment savoir s’ils ont marché ? Je ne suis pas certaine que la veille concurrentielle permette d’avoir accès à ce genre d’informations, d’autant plus que l’analyse a posteriori de l’événément est rarement faite.
    D’autre part, les agences nouent des liens commerciaux avec leurs prestataires (grâce à des rétro commissions peu visibles par le client final !!) et ont donc tendance à amener leurs clients vers les mêmes fournisseurs et donc les mêmes événements. Il y a en plus une course dans cette veille concurrentielle : si telle agence a fait un événement à l’Opéra Garnier, il faut que notre agence en fasse un aussi !!

    Bravo pour votre blog très intéressant que j’ajoute à mon blogroll.

    Claire (www.lesreceptionstendances.com)

  6. ---

    Je vais peut-être paraître très “cash” dans ma réponse mais des gars qui réagissent de la sorte alors qu’ils ont en charge des fonctions marketing et communication importantes n’ont rien à faire à ce poste. C’est de la pure incompétence et on ne fait pas “joujou” quand on a des kilo euros dans les mains et l’a

  7. […] Ce phénomène se rapproche également d’une autre idée, abordée dans un précédent billet sur la veille concurrentielle, où j’explique que vous devez parfois oublier vos concurrents pour vous concentrer sur votre […]

  8. ---

    faire le marketing c’est une bonne chose ; parce que c’est par essaie et erreur qu’on parvient à réussir

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